Procureurs : l’indépendance du système judiciaire est-elle encore de mise ?

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Au début de la semaine, l’Elysée faisait part de ses réticences quant à la nomination suggérée par le ministère de la Justice destinée au remplacement du poste du procureur de Paris, François Molins. En effet, le nom de Marc Cimamonti, que souhaitait soumettre Nicolas Belloubet au Conseil supérieur de la magistrature, n’a pas fait l’unanimité à l’Elysée ; pour autant, le président de la Conférence nationale des procureurs de la République devrait se voir assurer une place confortable au poste de procureur général de la cour d’appel de Versailles. Si la Chancellerie avait sélectionné trois candidats parmi les neuf qui se sont présentés pour succéder au procureur de Paris, il semblerait que l’exécutif en ait décidé autrement. Et alors que le regard critique que ce dernier a porté à la candidature de Marc Cimamonti aurait dû encourager l’Elysée à tourner son regard vers les deux autres candidats brigués par le ministère, ce dernier a préféré renoncer et a lancé un nouvel appel à candidature. Un « choix du prince » qui passe très mal au sein du Syndicat de la magistrature…

L’indépendance dans le choix des procureurs, dont les noms sont suggérés au gouvernement par le ministère de la Justice, est-elle encore de mise ? Une question que l’on peut se poser en regard de la conception particulière qu’entretient Emmanuel Macron vis-à-vis des membres du parquet ; le président de la République n’avait-il pas indiqué devant la Cour de Cassation, en janvier dernier, la légitimité du lien hiérarchique qui unissait le gouvernement et les magistrats du parquet ? Il semblerait que dans le cas du successeur du procureur de Paris, l’exécutif se soit fortement engagé à suivre la procédure : Edouard Philippe aurait reçu à Matignon les trois candidats proposés par la Chancellerie. De même, une source proche de l’exécutif indique que « M. Macron demande à la garde des sceaux des explications sur les magistrats qu’elle compte nommer à des postes importants au parquet ou au parquet général ». Dans ce cadre, on comprend mieux pourquoi le chargé de la justice au sein du cabinet présidentiel (Sonya Djemni-Wagner) et le secrétaire général de l’Elysée (Alexis Kohler) aient été chargé de surveiller de près le dossier.

 La sujétion potentielle de la Chancellerie aux choix élyséens provoque un certain malaise. « Ces trois candidats sont écartés car ils n’ont pas plu, soulignait ainsi une parquetière. Celui qui sera choisi va donc plaire. Mais, qu’est-ce que cela signifie, aura-t-il prêté allégeance ? Sans doute pas, mais c’est sa crédibilité qui va trinquer. Ce n’est pas juste ». Les deux postes non encore affichés qui vont bientôt se libérer – poste de procureur national financier ; poste de procureur national antiterroriste – seront-ils soumis au même regard implacable de l’Elysée ? Quoiqu’il en soit, le poids croissant pris par le gouvernement dans ce type de processus décisionnels inquiète : Jean-François Thony, procureur général de Rennes, a ainsi interpellé Nicole Belloubet en lui demandant de clarifier les positionnements institutionnels de l’autorité administrative par rapport à l’autorité judiciaire. Une demande à laquelle on ne peut que souscrire !

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