Prélèvement à la source : entre cafouillage et incompétence

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 « Je serai le ministre qui fera l’impôt à la source […] Il n’y a aucun bug administratif ou informatique ». Aux derniers jours du mois d’août, Gérald Darmanin est confiant : il apposera son nom à cette réforme du gouvernement qui risque d’enterrer bon nombre des TPE et PME françaises ; il cristallisera dans la loi une disposition économique contre laquelle toute sa famille politique originelle s’oppose unanimement. Qu’importe que les entreprises voient leur travail administratif s’alourdir d’une charge qui incombe pourtant à l’administration financière… Tout comme le patron de la DGFIP, Bruno Parent, le ministre de l’Action et des comptes publics entend accoler son nom au projet gouvernemental, héritage de la présidence Hollande.

Et pourtant, les deux protagonistes de la réforme le savent bien : des myriades de dysfonctionnements et d’erreurs ont été décelées durant les périodes d’essais effectuées au mois de juillet auprès des entreprises. Une note de la Direction générale des finances publiques rédigée pendant l’été a fait part de cafouillages catastrophiques, qui risquent de peser lourdement sur le portefeuille des Français. Pour le seul mois de février, ce sont près de 350 000 erreurs qui ont été relevées : non seulement le contribuable pourra se voir prélever son impôt à plusieurs reprises mais les erreurs de doublons nominatifs (prélèvement erroné du fait d’un homonyme) sont légion. Face à ces irrégularités, l’Etat devra rembourser – avec la diligence qu’on lui connaît – les Français, engendrant de nouveaux délais dans la gestion de l’impôt.

Nécessairement conscient des erreurs soulevées par la DGFIP, qui souligne qu’il n’y a « pas de possibilités de se prémunir » de ces dysfonctionnements, Gérald Darmanin assurait donc que le prélèvement à la source verrait tout de même le jour au 1er janvier. De même, il y a quelques jours, son comparse Bruno Parent soulignait quant à lui : « la machine est lancée. Elle ne peut plus, elle ne doit plus s’arrêter ». Il se pourrait finalement que la réforme soit remise en jeu mardi 4 septembre, à l’occasion de la réunion de Gérald Darmanin avec les chefs du gouvernement. Pourtant, face aux hésitations du gouvernement, distinctement formulées par le président de la République aux médias à la rentrée, le ministre de l’Action et des comptes publics n’a trouvé d’autres réponses que d’imputer aux Français l’échec annoncée de sa mesure. Alors même que les entreprises, nouveaux employeurs, et en particulier dans le cas où l’Etat est employeur, font part de leur méconnaissance en matière de collection de l’impôt, Gérald Darmanin préfère faire porter la faute aux contribuables. « Techniquement, on est prêt, a-t-il souligné. Mais est-ce que psychologiquement, les Français sont prêts ? », a-t-il osé. Une condamnation des « Gaulois réfractaires » qui permettra de glisser sous le tapis l’incompétence de son œuvre ministérielle.

Source : Le Parisien, Prélèvement à la source : la note qui affole le gouvernement, 01/09/2018.

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