Pacte de Marrakech : vers un discours unique sur l’immigration

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Le 10 décembre dernier, la France signait le Pacte de Marrakech sur les migrations. Cent-cinquante pays ont ainsi ratifié le texte de coopération des Nations-Unis qui, s’il n’a pas de valeur juridiquement contraignante, révèle la grande désunion des pays européens face à la question migratoire. De la Hongrie à l’Autriche, en passant par la Slovaquie ou la Pologne, les pays de l’Est de l’Europe ne souscriront donc pas à un texte dont certaines considérations soulèvent effectivement de profondes questions quant au respect de l’identité des pays d’accueil.

On s’étonne de certaines de ses ambitions, teintées de naïveté. « Compte tenu de la diversité des situations, des politiques, des priorités et des conditions d’entrée, de séjour et de travail des pays, souligne le texte, les États peuvent, dans les limites de leur juridiction souveraine, opérer la distinction entre migrations régulières et irrégulières, notamment lorsqu’ils élaborent des mesures législatives et des politiques aux fins de l’application du Pacte mondial, conformément au droit international[1] ». La lutte contre l’immigration illégale est-elle donc facultative ? Ne constitue-t-elle donc pas pour les pays signataires, un enjeu majeur dont l’endiguement des réseaux illégaux de trafic d’êtres humains doit constituer le point culminant ?

Plusieurs objectifs pris par les signataires du texte soulèvent encore l’interrogation : ainsi de l’engagement visant à « munir tous les migrants d’une preuve d’identité légale et de papiers adéquats »[2], dont la mise en œuvre paraît totalement impossible, au regard des flux irréguliers massif auxquels sont confrontés les pays d’accueil. De même, on s’interrogera sur les dispositions visant à « faire en sorte que les filières de migration régulière soient accessibles et plus souples[3] » ou à « s’attaquer aux facteurs de vulnérabilité liés aux migrations et les réduire[4] », qui semblent autant de vecteurs propices à l’accélération des flux migratoires pour les pays s’étant engagés à suivre de telles résolutions.

Mais c’est surtout la manière dont le texte cherche à « faire évoluer la manière dont les migrations sont perçues » qui soulève des questions alarmantes. Car avec le Pacte sur les migrations, la presse n’étant pas favorable à l’immigration massive fera désormais l’objet d’un examen particulièrement resserré par la création de « normes déontologiques pour le journalisme » visant à lutter contre ceux qui « propagent systématiquement l’intolérance, la xénophobie, le racisme et les autres formes de discrimination envers les migrants »[5]. A l’inverse de ce qu’espèrent les rapporteurs du texte, l’instauration de telles normes contribuera encore davantage à la méfiance des Français quant à la sphère médiatique et découragera le débat supposément appelé de ses vœux par les Nations-Unies.

Les engagements du Pacte de Marrakech, s’ils sont non contraignants, comportent des mesures alarmantes qui risquent d’encourager la dynamique migratoire comme d’imposer l’expression d’une pensée unique sur l’immigration. A l’inverse de ce qu’indiquait le président de la République dans sa dernière allocution, le Pacte de Marrakech ne permettra pas d’affronter les questions migratoires : il en imposera une vision unilatérale dangereuse.

[1] A/Conf.231/3*. Page 5.

[2] A/Conf.231/3*. Page 13.

[3] A/Conf.231/3*. Page 14.

[4] A/Conf.231/3*. Page 17.

[5] A/Conf.231/3*. Page 30.

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